
Je vais eviter les mondenites pour passer directement au sujet ici debattu. Dans le post précédent, j’ai mentionné Leyma Gbowee une activiste sierra léonaise qui a contribué à mettre fin à la guerre civile de 14 ans qui sévissait dans son pays. Vous vous rappelez je l’avais cité en tant que féministe même si elle ne l’est pas. Dans mon idéal de féminisme elle en fait bien partie. Ce prix nobel a réussi à regrouper des femmes dans le but d’aider leur communauté, un groupe d’activistes pacifistes qui ont milité pour faire cesser le feu et ont ajouté par désespoir, la grève de sexe. Elle n’était pourtant pas la première à essayer cette méthode pour apporter la paix. L’exemple le plus ancien est retrouve dans une pièce théâtrale grecque Lysistrata où les femmes ont mené à bien une grève de sexe pour mettre fin à la guerre Péloponnèse. Cette méthode a depuis été pratiquée dans différentes parties du monde, en Colombie, en Italie, au Kenya, en Philippines et au Togo. Je ne suis pas sûre que l’initiative ait porté ses fruits dans tous ces pays mais j’avais trouvé l’initiative assez intéressante, surtout après mon billet sur comment la société voit d’un mauvais œil une femme qui joue de la faiblesse des hommes. Cet exemple était pour moi la preuve qu’on peut utiliser l’ultime faiblesse de l’homme, la femme pour changer les choses, mais ça c’était avant que je ne me penche vraiment sur la question.
Dans l’espoir de trouver comment Leyma Gbowee a pu assoir une grève de sexe efficace, je suis tombée sur une histoire relatée par cette dernière lors d’un évènement où elle était invitée.
« Lors d’un atelier, nous avons demandé un exemple de stratégie non violente pour mettre fin à une situation particulière. Et quand nous en étions à poser cette question, une jeune femme s’est levée et a dit j’ai une histoire de mon village. C’est l’histoire d’un membre de notre village qui a épousé une femme d’un autre village, l’a fait venir dans notre communauté et la battait tous les jours. Cette culture nous était étrange parce qu’il était revenu s’installer dans notre village avec sa femme. Dans notre village, personne ne frappe sa femme. Une femme décida : ceci est une tendance et si nous ne l’arrêtons pas, nos hommes s’y mettront aussi. Donc la première fois que la femme est battue, cette femme en parle à son mari qui lui dit : occupe-toi de tes affaires, la deuxième fois que cela arrive elle appelle une réunion de femmes et elles disent que ce sont des problèmes d’ordre privé. La troisième fois, cette femme s'est fait cassé la jambe, cette femme appelle les femmes et leur dit, nous devons faire quelque chose, ce sera nous les fois prochaines. Elles allèrent voir les hommes et leur dirent la prochaine fois que ceci arrivera, nous prendrons des mesures. Bien sûr qu’elles étaient des bulldogs édentés. Bien sûr les femmes ne sont jamais prises au sérieux quand elles doivent dire ou faire quelque chose. Donc la dernière fois où l’incident se reproduisit et que les femmes ont décidées d’utiliser cette tradition qui les abuse pour affronter le problème. Il y a donc quelque chose comme une société secrète là d’où je viens qu’on appelle un ‘sande’. Dans le sande les hommes ne peuvent pas entrer. C’est un espace réservé aux femmes donc ce matin les femmes avaient décidé : nous irons dans le sande et les hommes s’en étaient moqués. Le lendemain matin très tôt à 5h du matin, toutes les femmes se sont rassemblées avec le chef femme et allèrent dans le sande. Pas de bébé, pas de maris, pas d’enfants. A 6h les hommes se réveillaient- pas d’eau chaude. A 7h les hommes se réveillaient- les enfants réclamaient le petit déjeuner. A midi c’était l’enfer. Ils avaient commencé à se disputer entre eux, qui était responsable, quelqu’un aurait dû faire quelque chose et ils firent leur propre réunion. Dans la soirée, ils ont rappelé les femmes et ont jurés que cela ne se reproduira plus jamais. Quand cette fille m’a raconté cette histoire, j’étais tellement contente que j’ai utilisé cette histoire dans tous les ateliers pour femmes partout où j’allais… et cette histoire devint la révolution pour le travail que nous faisions » (Leyma Gbowee- the power of women and girls).
C’est donc cette histoire qui donna de l’espoir à la militante qu’en effet les femmes pouvaient changer et influencer leurs sociétés.
Ce n’est pas que le sexe qui peut provoquer le changement, cette histoire a tous les ingrédients pour le succès d’une action des femmes. Le premier ingrédient, c’est la liberté qu’ont les femmes de se regrouper et d’avoir un espace propre à elles. Elles peuvent se rassembler donc il y a une réunion communautaire (jusque-là rien de particulier parce que beaucoup de villages en ont), il y a également le sande : le sanctuaire pour femmes. Il y a ensuite le fait que c’est une petite communauté donc tout le monde se connait et les liens sont plus ou moins facilement noués et consolidés, ce qui a permis aux femmes de soutenir ensemble cette décision de tenir tête aux hommes. L’union fait la force dit-on. L’élément qui selon moi a le plus joué en faveur de ces démarches c’est l’importance de la femme. Ces femmes ont une place bien définit, elles s’occupent des enfants, de leurs maris, se donnent corps et âmes à ces rôles prédéfinis par leur société (certainement basés sur le genre). C’est peut-être pour cela que ça a été encore plus facile pour elles d’affirmer leur position. Pensez-y, Ces hommes ne s’intéressent pas à la cuisine et ne s’occupent pas des taches ménagères ni des enfants parce que c’est justement le rôle de la femme. Ainsi donc une absence des femmes est plus ressentie. Si en revanche dans cette société les hommes et les femmes avaient les mêmes devoirs c’aurait été dur pour ces femmes de marquer de leurs absences. Loin de vouloir signifier que les femmes doivent se laisser marcher dessus, j’essaie simplement de renforcer l’importance d’avoir des rôles bien définis dans un foyer. Il n’y a pas de taches plus simples ou moins valorisantes et c’est peut-être sur ça qu’il faut vraiment jouer. Les femmes dans ces communautés n’auraient pas rempli leurs devoirs de mères et d’épouses que cette action n’aurait pas eu une grande portée et leur tentative n’aurait pas le même ressenti.

Pour l’instant cette stratégie féminine partie d’une pièce de théâtre grecque a apporté la paix en Sierra Leone et en Philippines. Le cas de la sierra Leone a même inspiré un film Chi-Raq. Ce qu’il faut en retenir ? C’est que pour une action efficace des femmes, il faut d’abord être bien une femme pour user de cet atout avec d’autres femmes qui ont la même vision.
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