Le noircissement des levres: tradition

La dernière tendance en matière de lipstick, sont les nuances très sombres. Les filles en raffolent même si ça ne va pas nécessairement à tout le monde. Surtout quand on est noire, il faut faire attention pour ne pas ressembler à un zombie avec de telles couleurs, mais chacun fait ce qu’il veut (peut-être c’est l’effet zombie que les gens recherchent moi j’en ai un et je le mets rarement mais c’est bien pour durcir mon visage que je le mets). Voir la photo d’une fille avec ces couleurs, m’a rappelé un livre à images que mon père m’avait offert, quand j’étais un peu plus jeune. Ce livre relatait l’histoire d’une fille qui allait pratiquer une coutume : le noircissement des lèvres. Je ne me rappelais plus trop de l’histoire donc je me suis tournée vers Google. J’ai retrouvé donc deux pratiques traditionnelles qui sont supposées rendre la femme africaine plus belle et qui pourraient bien substituer le rouge à lèvres. Le noircissement des gencives et des lèvres.

Le noircissement des lèvres et surtout des gencives est pratiqué chez les femmes Soninké, ethnie d’Afrique de l’Ouest, présente au Mali, au Sénégal et en Mauritanie. Cette pratique est appelée Diguinia Sokhonde. Son but est de faire ressortir le sourire des femmes. Le noir des gencives et du pourtour des lèvres crée un contraste avec les dents qui ont l’air plus blanches et le sourire est pour ainsi dire plus accentué. Pour arriver à ce résultat, le procédé est plutôt douloureux : on pique la gencive à l’aide de plusieurs aiguilles avant d’y étaler une poudre et de répéter l’action autant que nécessaire. On dit que c’est la gencive du haut qui est souvent noircie parce que la douleur est plus supportable que celle d’en bas. C’est avec les différentes maladies de nos temps (SIDA, hépatite…) que de moins en moins de femmes s’adonnent à ces pratiques. Pour ne pas passer par tant de douleur, certaines choisissent de se faire installer une prothèse temporaire, option venue de Chine et qui consiste à verser une composition noire sur la gencive et d’en retirer l’excès.  

Le noircissement du pourtour de la bouche et des lèvres est aussi une tradition chez les Fulhani toujours au Mali. Cette tradition s’y désigne du nom de Tchoodi et c’est aussi le même principe : piquer les lèvres de la jeune fille à l’aide d’une aiguille pour y faire pénétrer des pigments. Le but, toujours attirer le regard sur le sourire. Les filles peuvent ainsi montrer leur courage et leur résistance à la douleur. De nos jours, le noircissement de la gencive est plus demandé que celui des pourtours de la bouche mais les deux restent sans équivoque des pratiques pour faire ressortir le sourire de la femme noire.

 Certains articles que j’ai consultés décrivaient plutôt ces pratiques de manière négative. Surtout pour dénoncer jusqu’où la recherche de la beauté conduisait les femmes. Personnellement je n’y vois aucun mal. Qui définit la beauté et ce qui est raisonnable de faire pour être belle ? Je ne vois pas la différence entre les longues heures de tresses pénibles qu’endurent les femmes noires et le noircissement de la gencive. Si on va me parler des risques pour la santé et autres, je vous dirai que la chirurgie esthétique présente aussi de nombreux risques et combien de femmes s’y adonnent quand même. Ce n’est pas parce qu’on n’a pas encore prouvé (peut être que si) que toutes les poudres, crayons et rouge à lèvres ont un effet néfaste sur la peau et la santé en général, qu’il faut les considérés comme inoffensifs. Pensez-y tous ces composés chimiques qu’on mange et inhale à petit coup. Une chose est sure les femmes ont toujours utilisé des méthodes les unes plus douloureuses que les autres pour être belles et captiver l’attention des hommes, c’est aussi vieux que le monde et ça ne va pas changer de sitôt. Les femmes trouveront toujours des moyens d’être et de rester belles.

De toute façon la beauté est un concept propre aux sociétés. Et de ce fait, ce qui est considéré beau diffère selon les endroits où on se trouve. La chose a tout son sens quand on apprend par exemple que dans une tribu en Philippines les dents noires et limées sont signe de beauté et de statut contrairement à nous qui associons la blancheur des dents à la propreté et la beauté. Donc, la beauté est relative et entre injecter des éléments étrangers dans le corps pour avoir des formes et injecter sa bouche ou sa gencive pour améliorer son sourire franchement je choisis la dernière. Je me demande pourquoi on n’a pas trouvé des moyens pour préserver cette pratique au lieu de la critiquer. Au lieu de vouloir changer l’image que ces dames qui s’y adonnent ont de la beauté, peut-être qu’on pourrait plutôt trouver une manière plus saine pour elles de faire ce qui les rend belles. Si nous continuons à dénigrer et à réfuter les critères de beauté qui existent dans les sociétés africaines, cela ne va pas empêcher les femmes d’essayer de se rendre belles mais cela les poussera plutôt à se tourner vers une image de la beauté qui appartient aux autres et qui est plus “conventionnelle”. Et c’est notre continent qui en prend un coup, c’est nos cultures et nos valeurs (qui ne sont pas sauvages quand on prend le temps de bien les observer sans l’œil ‘moderne’) qui disparaissent au profit de celles des autres.